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Rupture d'une relation commerciale d'une durée de 16 mois : régime et sanctions

Le 12 septembre 2019
Une relation commerciale de 16 mois n'est pas suffisamment longue pour être qualifiée de stable et habituelle, et justifier, en conséquence, le respect d'un préavis de rupture en application de l'arti

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L’article L.442-6-1 du Commerce (devenu récemment article L.442-1 II) impose de notifier par écrit, et en respectant un délai de préavis suffisant, la rupture d’une relation commerciale établie, sous peine, pour l’auteur de la rupture, d’engager sa responsabilité délictuelle sur le fondement de ce texte.

Ce dernier ne définit cependant pas ce qu’est une relation commerciale établie, notion qui a donc été précisée par la jurisprudence au fil des décisions rendues en la matière.

Il est désormais bien établi qu’une relation commerciale établie peut exister sans contrat formel dès lors que les partenaires entretiennent un courant d'affaires suivi de manière suffisamment stable et habituelle (Cass. 6 septembre 2011 n°10-30679).

Ainsi une succession de contrats ponctuels peut suffire à caractériser une relation commerciale établie (Cass. com. 15 septembre 2009 n°08-19200), à condition d'être significative, régulière et stable.

Néanmoins, ces dernières caractéristiques restent assez subjectives comme l’illustre un arrêt de la Cour d’Appel de PARIS rendu le 19 juin 2019 (n°16/16831).

Dans cette affaire, une agence de publicité avait, mensuellement, sous-traité des prestations à un consultant indépendant, et ce pendant 16 mois sans interruption, avant de cesser, du jour au lendemain, tout contact avec lui.

Saisie d’une demande d’indemnisation formée par le consultant délaissé sur le fondement de l’article L.442-6-1, la Cour d’Appel rappelle tout d’abord qu’une « relation commerciale établie présente un caractère « suivi, stable et habituel » et permet raisonnablement d'anticiper pour l'avenir une certaine continuité du flux d'affaires entre les partenaires commerciaux, ce qui implique, notamment qu'elle ne soit pas entachée par des incidents susceptibles de remettre en cause sa stabilité, voire sa régularité. »

La cour écarte ensuite l’existence d’une relation commerciale établie en estimant qu’une « relation de 16 mois ne peut être qualifiée de stable et habituelle…[le sous-traitant] ne pouvant anticiper une poursuite de la relation, compte tenu de l'ancienneté insuffisante de la relation commerciale, celle ci étant par ailleurs dépendante des choix du client final… ».

Ainsi une relation de 16 mois est jugée insuffisamment longue pour justifier du caractère stable que doit revêtir une relation commerciale au sens de l’article L.442-6-1.

Par ailleurs, le fait qu’il s’agisse d’une relation de sous-traitance a également été pris en compte par la Cour, celle-ci rappelant que le donneur d’ordre qui sous-traite est lui-même « dépendant des choix du client final. »

La demande du consultant fondée sur l’article L.442-6-1 est ainsi assez logiquement rejetée.

Pour autant, et c’est l’autre enseignement de cet arrêt, l’auteur de la rupture est néanmoins condamné par la Cour, cette fois sur le fondement de sa responsabilité contractuelle et pour rupture abusive.

La Cour indique en premier lieu que « la succession de commandes d'un montant similaire pour des prestations mensuelles de même nature entre deux parties caractérise un lien contractuel entre elles, même si aucun contrat cadre formel n'est signé, de sorte que tant l'arrêt des commandes et la réparation du préjudice, que l'arrêt des bons de commande aurait causé, relève de la nature contractuelle. »

Elle retient en second lieu que le silence du donneur d’ordre qui n’a pas averti son sous-traitant « de ce qu'il allait cesser de lui commander des prestations alors qu'elle lui confiait des missions depuis 16 mois est déloyal ».

C’est donc pour manquement à l’exécution de bonne foi du contrat que l’auteur de la rupture contractuelle est sanctionné par l’allocation de dommages intérêts en réparation du préjudice moral de son cocontractant.

En dehors de toute relation commerciale établie, il est donc toujours préférable de prendre soin d’avertir son partenaire le plus tôt possible de ce que l’on va cesser d’avoir recours à lui, ce qui, au-delà de toute considération juridique, relève du simple respect des règles élémentaires de politesse.

(Les informations contenues dans cet article, bien qu'elles soient de nature juridique, ne constituent ni un avis juridique, ni une consultation. Pour tout litige ou problématique en rapport avec le sujet traité vous êtes invités à prendre contact avec un avocat en droit des affaires)

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